Fabrice Konan, Directeur des Ventes et Country Lead, Visa pour Afrique de l’Est, nous parle de l’évolution accélérée du cashless. “Les paiements sans contact ont été multipliés par environ 50”. Il souligne aussi les problématiques liées à l’adoption de cette méthode de paiement. “Quand je vais, par exemple, à Port-Louis, “downtown”, les petits commerçants n’acceptent pas les cartes”. Notre plus gros challenge c’est l’adoption”, dit-il à Investor’s Mag.
Publié dans Investor’s Mag, 23e édition, Dec 22 – Mars 23
Quels ont été les grands accomplissements de Visa en 2022?
Je dirais qu’on évolue graduellement dans notre “journey”. Le paiement est un élément de base pour toute population, mais pour que cela se fasse, il faut qu’il y ait de la technologie qui soit pertinente pour tous les marchés. Aussi bien pour les consommateurs, qu’ils aient des moyens d’effectuer des paiements mais également les marchands qui aient les moyens d’accepter ces paiements. C’est une évolution constante. C’est un combat de tous les jours. Je prends le cas de Maurice, un pays qui a plutôt de bons fondamentaux, où il y a plus de cartes en circulation, que de Mauriciens. On parle d’un pays bancarisé à plus de 90%. Par contre, je pense qu’il y a un problème d’acceptation. Au-delà des malls, quand je vais, par exemple, à Port-Louis, “downtown”, les petits commerçants n’acceptent pas les cartes. Sans doute, ils se disent que non, ce n’est pas bon pour moi, ce n’est pas une bonne expérience, ça coûte très cher. Ce sont des problématiques, voilà pourquoi il faut continuer à travailler, vraiment, en collaboration avec l’écosystème. La covid-19 a accéléré la sensibilisation des populations aux paiements digitaux, elles se sont rendues compte qu’elles peuvent faire la même chose qu’avec le cash, sinon mieux. C’est l’équation à laquelle nous devons trouver une réponse de façon constante, c’est-à-dire comment proposer des alternatives équivalentes ou meilleures que le cash.
Que pensez-vous de l’émergence des fintechs et de la crypto-monnaie?
Ce sont que des opportunités, je ne dis pas que c’est facile de les capturer, mais aujourd’hui le consommateur a le choix. Les fintech se sont développées parce qu’il y avait un besoin. Aujourd’hui, moi en tant que consommateur, je veux que le paiement soit une expérience “flawless”. Les fintech ont été capables de développer cette expérience mieux que les banques. Elles ont adressé un besoin. Aujourd’hui de plus en plus de personnes n’ont pas envie d’aller à la banque. Elles préfèrent utiliser leur temps à autre chose. Si j’ai tous les services que je veux sur mon téléphone portable pourquoi j’irai à la banque?
Les fintech sont venues renforcer cette offre digitale. Les banques ont, elles aussi, compris qu’il fallait avoir une proposition digitale. Il y a une croissance dans le nombre des fintech, mais les banques sont toujours ‘relevant’. Elles sont pertinentes pour continuer à offrir certains services. Ça va être une bataille. Il faut offrir la meilleure expérience au client pour être gagnant.
Vous êtes Sales Director and Country lead, Visa, East Africa, quels sont les marchés les plus prometteurs de votre juridiction?
Je suis responsable spécifiquement des îles de l’Océan indien et des pays de la Corne de l’Afrique. Ce sont vraiment des marchés très différents. C’est clair que plus il y a de personnes dans un pays, plus il y a de potentiel. Il faut aussi être conscient qu’une faible pénétration bancaire est un facteur qui limite le développement d’un pays. Maurice est un cas spécial, mais à Madagascar, par exemple, la pénétration bancaire représente 8% de la population pour un pays de 25 millions d’habitants.
Les opportunités varient de pays en pays. Prenons le cas de Maurice, on pourrait dire petite population, donc peu de perspectives, pourtant il y a énormément de choses à faire à Maurice. Le pays a des fondamentaux qui sont solides, les gens ont déjà des cartes, il y a de “l’acceptance”. Les gens sont sujets à embrasser la technologie. Mais 80% des retraits sont en cash, c’est impressionnant. Les Mauriciens aiment toujours retirer de l’argent. Notre concurrent c’est pas X ou Y, notre concurrent c’est le “cash”.
Pour nous, Maurice nous offre clairement une formidable opportunité en termes de pousser les gens à utiliser plus leurs cartes. A Madagascar, c’est offrir plus d’opportunités, d’augmenter le nombre d’acceptation. Au Kenya, la même chose, donner plus de moyens aux gens. En fonction des pays, on a des intérêts différents. La majorité des pays africains ont un taux d’utilisation du cash extrêmement élevé. A Maurice on est peut-être à 80%, dans d’autres pays d’Afrique à plus de 90%. Le plus gros challenge n’est pas la technologie, car on est une société de technologie. Notre plus gros challenge c’est l’adoption. C’est pourquoi je préférerais utiliser une carte, virtuelle ou physique, pour effectuer une transaction plutôt que le cash. Ce n’est pas évident. Sinon, on aurait eu une société cashless depuis de très longues années.
Changer de comportement, ça peut prendre du temps. On a ce qu’on appelle les early adopters, des gens qui adorent la technologie, mais aussi qui vont s’en méfier, qui préfèrent le cash, qui est dans leur poche. Il y a aussi des gens qui sont contre. c’est une progression graduelle. Il faut leverage sur les early adopters, ce sont des gens qui vont en parler dans leurs entourages, mais il faut toujours aussi offrir des opportunités aux gens qui sont sceptiques. C’est pour ça que les campagnes que nous menons en partenariat avec nos partenaires sont fondamentales car elles peuvent les inciter à faire le premier geste, à tenter l’expérience.
Que représente l’implémentation de la Zlecaf pour une société comme Visa?
Toutes les initiatives qui visent à faciliter les échanges entre différents pays ne peuvent qu’avoir un effet positif sur leurs produits intérieurs brut, l’instrument ultime de la richesse. Notre rôle est de faciliter ces flux. Comment s’assurer qu’une société mauricienne puisse exporter en Côte d’Ivoire, sans être obligée de voyager, sans être obligée d’aller dans un bureau de change et changer des roupies en dollars, ou en euros. On espère qu’avec le support politique, la ZLeCAF va véritablement se développer pour qu’il y ait beaucoup plus d’échanges entre les pays africains et de flux financiers sur lesquels nous apporterons des réponses.
Quels sont les objectifs fixés pour 2023?
Je ne vais malheureusement pas vous surprendre, mais c’est de continuer de progresser dans notre journée vers le cashless. En deux ans, les paiements sans contact ont été multipliés par environ 50. Il y a un progrès qui est notable, mais ce n’est pas encore suffisant, il faut savoir comment l’accélérer. A Maurice, sur les 10 transactions enregistrées par un supermarché au cours d’une journée, il y en a trois qui sont ‘contactless’. Il y a trois ans, on était pratiquement à zéro, cela montre l’adhésion du Mauricien. Mais on veut que ça soit peut-être 5 transactions à la fin de l’année prochaine.