Cette année marque le 50ème anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et Maurice. L’ambassadeur de la République populaire de Chine à Maurice, SEM Zhu Liying, souligne dans l’entretien qui suit le “partenariat global” entre les deux pays. Il affirme que la Chine attache une importance particulière aux relations avec Maurice sur la base de respect mutuel et de coopération gagnant-gagnant.
Publié dans Investor’s Mag, 20e édition, 22 mars – 22 June
La Chine a établi des relations diplomatiques avec Maurice en 1972, soit 4 ans après l’indépendance de Maurice. Comment les relations entre les deux pays ont-t-elles évolué depuis?
Cette année marque le 50ème anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et Maurice. Ce moment important nous permet de faire une rétrospective très positive. Pendant un demi-siècle, les relations entre nos deux pays, basées sur l’égalité, le respect mutuel, le soutien mutuel et la compréhension mutuelle, montrent un exemple des relations entre Etats dans un monde qui vit sous la menace de l’hégémonie, de la division, de l’inégalité et de l’injustice.
Le partenariat entre la Chine et Maurice est global. Au niveau politique, notamment, pendant les dix dernières années, nous avons eu plus de vingt visites de haut niveau, parmi lesquelles l’échange de visites entre le Président chinois Xi Jinping à Maurice et le Premier Ministre mauricien Pravind Jugnauth en Chine en 2018. Nos deux pays mènent une coopération solide et fructueuse sur les grands dossiers régionaux et internationaux. La Chine soutient fermement Maurice dans le dossier des Chagos. Au niveau commercial, la Chine est le premier partenaire commercial de Maurice.
La Chine attache une importance particulière pour les relations avec Maurice. Deux exemples particuliers: l’accord de libre-échange (FTA) entre la Chine et Maurice, entré en vigueur en 2021, est le premier FTA entre la Chine et l’Afrique. Le centre culturel chinois à Maurice, ouvert en 1988, est le premier centre culturel chinois à l’étranger.
À l’occasion de ce 50ème anniversaire de nos relations diplomatiques, j’aimerais faire référence à une expression du grand philosophe Confucius: « A l’âge de 50 ans, on connaît la loi de la nature ». Autrement dit, à l’âge de 50 ans, on est plus que jamais conscient de ce qu’on peut faire. Pour les relations entre la Chine et Maurice, à l’âge de 50 ans, il nous faut élaborer ensemble une vision à long terme et une stratégie plus ambitieuse.
Pouvez-vous nous donner des exemples de cette collaboration?
La coopération entre la Chine et Maurice s’étend dans presque tous les domaines: l’infrastructure, la haute technologie, l’investissement, les finances, la santé, l’éducation et autres. Les grandes réalisations que nous avons faites ensemble à Maurice sont nombreuses : l’aéroport international SSR, le bâtiment de la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC), le Côte d’Or National Sports Complex, le Bagatelle Dam… Tous sont les symboles de l’amitié profonde entre les deux peuples et tous profitent directement au bien-être des Mauriciens.
Après l’apparition de la pandémie de la Covid-19, la Chine a été parmi les premiers pays à fournir des vaccins à Maurice et est le pays qui en a fourni le plus, ce qui a largement contribué à la réouverture des frontières de Maurice. Huawei joue un rôle de leader dans la construction de “Safe City”, de “Smart City” et dans le 4G et le 5G à Maurice. Je voudrais souligner que le high-tech (bio-technologie, télécommunication, entre autres) ouvre déjà une nouvelle perspective très prometteuse aux côtés des secteurs traditionnels dans notre coopération. Il nous faudrait donc bien saisir cette opportunité pour être en avant-garde au niveau régional et même africain.
Maurice et la Chine ont signé un accord de libre-échange au début de 2021. Comment les choses se passent-t-elles plus d’un an après?
En effet, cet accord de libre-échange (FTA) est entré en vigueur dès 2021. Les premiers résultats donnent déjà beaucoup de satisfaction! Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon les statistiques des douanes chinoises, le volume des échanges sino-mauriciens en 2021 a atteint 914 millions de dollars, soit une augmentation de 25,8 % par rapport à 2020. Il faut surtout souligner que le volume de l’exportation mauricienne vers la Chine s’élève à 36 millions de dollars, soit une croissance de 35,1% par rapport à l’année précédente, alors que l’exportation de la Chine vers Maurice a aussi augmenté de 25,5 % par rapport à l’année précédente.
Nos amis Mauriciens s’intéressent particulièrement à l’exportation des sucres spéciaux vers la Chine. Cette exportation a connu une augmentation fabuleuse : 2 258,78%! Autrement dit de 194 000 dollars en 2020 à 4,58 millions de dollars en 2021. Ce bond spectaculaire est lié directement au régime des contingents tarifaires (CSTQ) dans le cadre de le FTA.
N’oublions pas que toutes ces réalisations ont été obtenues dans un contexte extrêmement difficile de pandémie, quand beaucoup d’activités économiques ont été ralenties ou même arrêtées. Nous pouvons donc imaginer qu’après la pandémie, notre commerce bilatéral connaîtra une croissance encore plus considérable. Je m’en félicite vivement.
Le marché chinois est massif et très concurrentiel, pensez-vous réellement que les produits ‘Made in Mauritius’ peuvent y avoir leurs places?
L’immensité et le dynamisme du marché chinois attirent le monde entier. À part la population nombreuse, il y a aussi la différence des niveaux du développement. La demande est donc à la fois forte et diversifiée. Les produits du monde entier trouvent leur place en Chine. Idem pour les “Made in Mauritius”. Vous avez mentionné l’aspect de la concurrence, vous avez raison, parce que c’est naturel dans tous les marchés. Mais je voudrais insister aussi sur l’aspect de l’ouverture du marché chinois. Vous connaissez certainement la Foire de Guangzhou. Elle existe depuis des décennies pour favoriser l’import-export en Chine. Mais depuis 4 ans, une nouvelle foire a été installée à Shanghai, capitale économique de Chine. Il s’agit de la “China International Import Expo (CIIE)”, foire nationale destinée uniquement à l’importation des produits et des services mondiaux, unique du genre dans le monde. Maurice a été présente à la CIIE. Vous avez un EDB extrêmement dynamique en Chine, notamment à Shanghai. Bravo! J’encourage les entrepreneurs chinois et mauriciens à travailler davantage pour cibler leurs segments de marché et clients. Avec une stratégie de marketing bien appropriée, je suis sûr qu’il y aura de plus en plus de produits mauriciens sur le marché chinois.
Comme souligné plus haut, le sucre en donne un bon exemple. De plus, nous avons déjà des produits propres à l’île Maurice sur le marché chinois ; la bière, le rhum, l’ananas. En 2021, sur le marché chinois, le montant des importations de produits alcoolisés provenant de Maurice était de 127,4 mille dollars, soit une augmentation de 127,97% par rapport à l’année précédente. Nous sommes sur une bonne voie, il faut continuer à faire des efforts.
Le gouvernement mauricien a toujours voulu positionner Maurice comme un hub pour investir en Afrique, mais on n’a pas l’impression que les investisseurs chinois se bousculent? Pourquoi?
Maurice a tous les avantages de jouer son rôle de hub. À part votre position géographique particulièrement avantageuse, vous avez la sécurité, la stabilité et le professionnalisme des fonctions publique et financière, ce qui n’est pas évident dans beaucoup d’autres pays. Les investissements coulent naturellement comme des rivières vers un bassin. Il suffit de creuser ce bassin. En fait, les entreprises chinoises sont de plus en plus nombreuses à investir et à s’implanter à Maurice, non seulement pour ce marché mauricien, mais aussi pour élargir leurs activités vers la région. Quelques exemples: Huawei a ouvert son Shared Services Center (SSC) à Maurice pour servir tout le continent africain. Bank of China (branche Maurice) va ouvrir son RMB clearing bank. La promotion des affaires dans Jinfei Industrial Zone et Smart City est en bonne voie. De nombreuses entreprises internationales se sont déjà installées dans cette zone. Nous sommes convaincus qu’avec la mise en application du FTA sino-mauricien, la coopération économique et commerciale entre les deux pays sera encore plus dynamique. Surtout avec la mise en application de la zone de libre-échange continentale africaine, Maurice pourra jouer un rôle de hub entre la Chine et l’Afrique.
Que pouvez-vous nous dire sur le développement actuel de la zone de JinFei à Riche Terre?
Comme vous le savez, Jinfei est l’un des 8 projets “Smart City” approuvés par le gouvernement de Maurice. En 2021, avec l’entrée en vigueur du FTA entre la Chine et Maurice, Jinfei a servi comme une zone de type commercial et logistique, centré sur l’entreposage portuaire et la logistique du e-commerce, complétée par le tourisme culturel et les services financiers. La conception et la construction de la zone se font en vertu de normes relevant de la “Smart City” de Maurice.
L’exploitation de la première phase implique une superficie de 31,65 hectares dans des régions côtières, l’accent étant mis sur le tourisme culturel. Pour la deuxième phase de 42,2 hectares de terre côtière, ce sera surtout des activités économiques et commerciales pour les entreprises du monde entier. Jusqu’à maintenant, 30,14 hectares de terre ont été pris en location.
À l’heure actuelle, l’on compte déjà 77 entreprises installées dans la zone, parmi lesquelles 80% sont internationales, en provenance du Royaume-Uni, des États-Unis, de la France, de Dubaï, de L’Afrique du Sud, de Madagascar, de l’Inde, entre autres. Les activités de ces entreprises sont très variées, telles que la formation éducative, les services financiers et juridiques, les services d’assurance, la télécommunication, la nouvelle énergie, l’hôtellerie, la restauration, etc.
Maurice n’est pas encore signataire de la Belt and Road Initiative (BRI). Où en sont les discussions? Quels sont les avantages que Maurice peut tirer de cette initiative?
Depuis son lancement en 2013, 180 pays et une trentaine d’organisations internationales ont signé la BRI. Parmi les 53 pays africains qui ont établi des relations diplomatiques avec la Chine, 52 pays en sont membres. Maurice est le seul pays en Afrique qui reste en dehors de la BRI. En tant qu’ambassadeur de Chine à Maurice, j’en suis triste.
Quels sont les avantages? Je crois que ces 180 pays du monde ont déjà bien calculé depuis ces 8 dernières années. “Premier arrivé, premier servi.” Ce n’est plus un sujet nouveau et ce n’est plus à moi de vous faire le calcul. Rien qu’en 2021, malgré l’impact de la pandémie Covid-19, les échanges commerciaux entre la Chine et les pays membres de la BRI ont atteint 1,800 milliards de dollars et les investissements directs venant de la Chine aux pays membres de la BRI se sont élevés à 21,46 milliards de dollars. Dans le cadre de la BRI, un grand nombre de projets de coopération ont été mis en œuvre, apportant des bénéfices tangibles aux gouvernements locaux et aux populations locales. Un exemple : les zones de coopération économique et commerciale construites par des entreprises chinoises dans les pays membres de la BRI ont payé un total de 6,6 milliards de dollars en taxes aux gouvernements locaux, et ont créé plus de 390,000 emplois.
Comme mentionné précédemment, Maurice possède des atouts avantageux et souhaite devenir une plaque tournante entre l’Asie et l’Afrique. A mon avis, l’adhésion à la BRI valorisera les atouts de Maurice et donnera plus de moyens pour réaliser son ambition. Cela va améliorer l’attractivité de Maurice pour des entreprises chinoises et les inciter à investir à Maurice et en Afrique via Maurice. De plus, la BRI injectera une impulsion importante à la reprise économique post-pandémique de Maurice car elle promouvra la coopération concrète entre la Chine et Maurice dans les infrastructures, le commerce et les finances, qui sont les secteurs piliers du pays.
Je voudrais souligner que dans le contexte de la mondialisation très concurrentielle, il faudrait faire preuve de plus de courage, de détermination et de créativité. Un proverbe chinois dit ceci: “l’évolution de la circonstance n’attend pas.” Tout le monde risque d’être dépassé par d’autres concurrents, même si vous avez des avantages privilégiés. Je souhaite que Maurice reste en avant-garde dans des relations entre la Chine et l’Afrique.
Au cours des 20 dernières années, le volume commercial entre la Chine et l’Afrique a été multiplié par 20 et les investissements directs de la Chine en Afrique multipliés par 100. Que pouvez-vous nous dire sur la politique africaine chinoise?
La Chine est le plus grand pays en développement du monde et l’Afrique est le continent qui compte le plus grand nombre de pays en développement. La Chine constitue l’économie la plus dynamique du monde, et l’Afrique possède la population la plus jeune du monde. Vous voyez combien d’opportunités existent entre les deux côtés! Aussi bien sur le plan politique que sur le plan économique, notre cause est commune, à savoir pour la paix, la justice et le développement.
La Chine attache une grande importance aux relations sino-africaines. Depuis trois décennies déjà, la Chine garde la belle tradition de commencer l’année par une tournée en Afrique de son ministre des affaires étrangères. Ceci traduit l’amitié profonde et solide sino-africaine malgré toutes les vicissitudes internationales. Au cours des années écoulées, les relations sino-africaines ont donné des résultats fructueux. Un grand nombre de projets de coopération ont été achevés. Le volume du commerce sino-africain et les investissements chinois en Afrique ont connu une croissance soutenue. Ces progrès ont injecté une forte impulsion au partenariat de coopération stratégique global sino-africain.
La 8ème Conférence ministérielle du FOCAC s’est tenue au Sénégal en novembre dernier. Lors de la conférence, le président chinois Xi Jinping a annoncé les “9 Programmes” , qui mettent l’accent sur la coopération dans la santé, l’agriculture, le commerce, les investissements, l’innovation numérique, le développement vert, le renforcement des capacités, les échanges culturels et la sécurité. Dans les années à venir, la Chine va travailler ensemble avec l’Afrique pour mettre en œuvre ces programmes afin d’aider les pays africains à vaincre la Covid-19 et parvenir à une reprise économique.
La Chine et l’Afrique sont déterminées à promouvoir les échanges amicaux, renforcer la coordination stratégique et réaliser des projets concrets au profit de la population. Nous travaillons toujours main dans la main pour bâtir un meilleur avenir, autrement dit une communauté de destin partagé.