Elle est aujourd’hui en tête de la liste des préoccupations des investisseurs ! L’accélération brusque et fulgurante de l’inflation semble être devenue aussi contagieuse que la Covid-19, pour faire un parallèle entre deux sujets d’actualité. La poussée inflationniste est devenue un phénomène mondial décuplé par la crise russo-ukrainienne.
Premier constat : une trop forte inflation risque de réduire les investissements productifs et donc le potentiel de croissance. La hausse de l’inflation dans le monde oblige ainsi les investisseurs à une réévaluation de circonstance des effets probables sur les actifs jugés “risqués” à l’instar des actions et des actifs beaucoup plus “sûrs”, comme les obligations souveraines.
Le chancelier allemand, Olaf Scholz, et le président français, Emmanuel Macron, ont tour à tour évoqué « la nouvelle ère » dans laquelle le monde a été précipité suite à l’invasion russe en Ukraine.
Si la demande peut être savamment jugulée avec des politiques appropriées, résoudre un problème sur le “supply side” est quant à lui beaucoup plus compliqué, nécessitant souvent des interventions tierces et lourdes.
A Maurice, compte tenu de la structure économique ouverte du pays, l’inflation intérieure reste influencée par les perturbations de l’offre provenant de l’extérieur.
Le pays qui faisait déjà face à un taux d’inflation galopant avec la reprise post-pandémique, enregistre un taux d’inflation en Year-on-year (Y-o-y) de 9% en février 2022, comparé à 1,2% en février 2021.
Dans ce flot d’incertitudes et de bouleversements géopolitiques, la Banque Centrale n’a pas anticipé cette montée abrupte de l’inflation. “The recently observed rise in domestic inflation rate is likely to taper off in the coming quarters”, pouvait-on lire dans les minutes du Monetary Policy Committee pour la réunion de décembre dernier.
Le Gouverneur de la BoM, Harvesh Seegolam, semble être pourtant convaincu que l’économie mauricienne reste sur la bonne voie. La légère hausse du taux directeur de 15 points de base, décidée en mars ne devrait pas trop entamer cette reprise post-Covid, estime-t-il, alors que le pays devrait atteindre un taux de croissance entre 7 et 8% en 2022, toujours selon le Gouverneur Seegolam, jouant notamment sur l’effet de base faible du PIB mauricien.
La Banque Centrale ne semble d’ailleurs pas être le seul à se tromper dans ses prévisions, le ministère des Finances s’est aussi fait avoir, comme dans une ambiance continue d’optimisme béat. Alors qu’un taux de croissance de 7% pour 2020/21 était annoncé, l’économie s’est finalement contractée au cours de cette période de -5,4%!
Il ne fait aucun doute qu’il y a eu une quantité massive de mesures financières et monétaires publiques introduites pour soutenir l’économie en réponse à la pandémie. Aux grands maux, les grands moyens, dit-on. Certes, toutes ne font pas l’unanimité car provoquant des effets comme en cascade : dépréciation de la roupie, fragilisation du balance sheet de la Banque Centrale ou encore aggravation de la dette publique…A se demander qui y gagne au change. Le Trésor public, le secteur privé, ou les deux à la fois? Une évidence : ce n’est pas le consommateur, éternel tondu !
Par ailleurs, les regards commencent à se braquer sur le secteur privé qui a bénéficié de ces généreux packages financiers publics et qui semble se la couler douce, en mode “business as usual”…
L’investissement privé qui a connu une croissance de 13,6% en 2021 (Rs 70 milliards) reste en deçà du niveau de 2019, avec -23.3% enregistrés en 2020.
Les consommateurs n’ont pas non plus le moral. La consommation au niveau des ménages mauriciens n’a connu qu’une croissance de 2,8% en 2021, atteignant Rs 337 milliards ; une valeur qui reste inférieure à celle pré-pandémie (2019: Rs 378 milliards). La dette bancaire des ménages s’élève, quant à elle, à Rs 126 milliards, à la fin de décembre 2021 alors que le Savings rate évolue toujours sous la barre des 10%.
54 ans après l’indépendance et 30 ans depuis l’accession au statut de République, nous assistons au même scénario : des bas taux d’investissement, d’épargne, de productivité, de capital humain, de technologie……avec l’imagination, la créativité, la motivation en panne.
Faudrait-il revisiter la même recette qui a fait le succès de Maurice? Cette antidote ne marche néanmoins pas dans la demi-mesure, seulement si la forme la plus pure du « donnant-donnant » et de l’inclusivité est appliquée.
Kervin Victor
Rédacteur en Chef